Le canton suisse de Neuchâtel a inauguré en avril une centrale “ferrovoltaïque” : 48 panneaux solaires installés entre les rails d’une voie ferrée. Une invention encore en test qui intrigue à l’étranger, comme en Corée, en Inde ou au Canada.
Publié le 20/06/2025 18:07
Temps de lecture : 4min
Panneaux solaires amovibles pour le ferroviaire, de la startup Sun-Ways. (Capture d’écran YouTube Sun-Ways)
Si la production d’électricité photovoltaïque en France a notoirement augmenté au premier trimestre 2025 par rapport au premier trimestre 2024, elle reste à la traîne par rapport à ses voisins. C’est aussi le cas de la Suisse, qui cherche à rattraper son retard et investit de nouvelles idées.
Dans le Val de Bagnes, dans le canton de Neuchâtel, l’installation est presque invisible, vue de la route. Il s’agit d’une centaine de mètres de ligne de chemin de fer. Au milieu de la voie ferrée, sur les traverses, 48 panneaux photovoltaïques classiques ont été installés.
Il a fallu cinq ans de travail à Joseph Scuderi pour peaufiner son invention, parce qu’on n’installe pas une centrale photovoltaïque sous un train lancé à 150 km/h comme on le fait sur le toit d’une maison. “Tous les trois à cinq ans, pour entretenir le ferroviaire, il vous faut tout enlever, explique-t-il. Et pour tout enlever, vous ne pouvez pas avoir fixé les panneaux comme sur un toit avec des clous et des vis. Nous, en quatre heures de temps, on est capable d’enlever jusqu’à 1 000 mètres carrés de panneaux solaires, soit 1 km de voie ferrée.”
“Nulle part au monde, vous pouvez avoir une installation solaire qui se pose aussi rapidement.”
Joseph Scuderi, fondateur de Sun-Ways
à franceinfo
C’est en cela que la technologie de sa start-up Sun-ways est différente des projets concurrents qui peuvent exister ailleurs dans le monde. Ici, tout est démontable et compatible avec un trafic ferroviaire intense. La puissance totale de l’installation est de 16 000 kW/h par an. C’est très peu, à peu près la production d’une installation photovoltaïque sur le toit d’une grange par exemple. Mais c’est bien sûr un essai. S’il est concluant, alors le potentiel est énorme, estime le fondateur de Sun-Ways, surtout au pays du train : “En Suisse, on compte environ 5 000 km de voies de chemins de fer exploitables. On peut arriver à un peu plus de 1 TW/h d’énergie produite chaque année”, assure-t-il.
Le solaire, la Suisse sait qu’aujourd’hui elle n’en fait pas assez. On estime qu’il faudrait qu’elle multiplie par quatre la puissance installée pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. Mais installer des panneaux solaires entre les rails du pays ne changerait pas vraiment la donne. Il faut être prudent par rapport au potentiel théorique de ce genre d’installation.
Le plus haut parc solaire flottant au monde a été installé en 2019 dans les Alpes, à 1810 mètres, près de la frontière avec l’Italie. Il s’agit d’une sorte de radeau de panneaux photovoltaïques, sur le lac des Toules. Or, après plusieurs années d’exploitation, il s’avère que la production n’est pas aussi formidable que ce qu’on attendait.
Si Joseph Scuderi avait raison, et qu’on pouvait vraiment tirer 1 TW/h par an des panneaux solaires placés entre les lignes de chemins de fer, cela suffirait à subvenir aux besoins électriques de 300 000 ménages. La Suisse compte plus de 8,5 millions d’habitants. Mais le grand intérêt reste la facilité avec laquelle le ferrovoltaïque pourrait être déployé. “Le problème qui se pose partout en Europe, c’est qu’il y a un arbitrage à faire pour les espaces disponibles pour le photovoltaïque, explique Joseph Scuderi. Ici, on est entouré de champs, ces champs-là, ils sont cultivés. On peut mettre des panneaux solaires sur les maisons, certes, mais pas toutes les maisons, il y a problème de volonté propre à chaque propriétaire, on ne peut pas forcément déroger à ça. Mais le ferroviaire, ce qui est intéressant, c’est que c’est un territoire qui est inutilisé.”
“Si un gouvernement dit ‘ok, nous, on veut exploiter le ferrovoltaïque’, il suffit de quelques décisions pour faire le job.”
Joseph Scuderi
à franceinfo
En comparaison, on assiste à une levée de boucliers, en Suisse, contre des projets de parcs solaires alpins installés en altitude, avec une empreinte forte sur le paysage. Rien de cela, a priori, avec le ferrovoltaïque, qui intrigue en tout cas beaucoup à l’étranger : la Corée, le Japon, le Maroc, le Mexique, l’Inde et le Canada seraient déjà intéressés.